Il me faut m’expliquer sur ce titre. Avec mon associé, lorsque j’étais jeune et con – je suis désormais beaucoup moins jeune – nous avions l’habitude d’utiliser cette expression pour désigner nos concurrents. Une version potache – probablement homophobe et sexiste – de Jules-de-chez-Schmidt-d’en-face. C’était vraiment une habitude idiote qui ne reflétait pas grand chose de la réalité, d’ailleurs, puisque beaucoup de concurrents sont devenus des amis, j’en marie même deux le 25 juillet prochain, c’est dire. Bref, là où d’autres parlent poétiquement de la perfide Albion, nous, on disait « les enculés d’en face », voilà.
Vous me pardonnerez d’avoir cédé aux sirènes du web marketing pour vous attirer sur ce billet, avouez que ce titre n’y est pas pour rien. Et puisque vous êtes là, parlons de la concurrence.
Dans tous les modèles économiques, il y a un mec pas content qu’on lui pique son fromage. Et les modèles basés sur l’innovation disruptive n’y font pas exception. Les exemples suivants ont révolutionné leur marché – quand ils ne l’ont pas carrément créé – et ont fait sortir du bois les acteurs historiques pour des raisons financières évidentes mais pas toujours légitimes.
- Über nous a permis de constater l’ampleur du problème du numerus clausus des taxis, et de la capacité de nuisance de son lobby.
- Amazon a permis aux éditeurs et au gouvernement de se ridiculiser avec leur loi anti-amazon sur les frais de port.
- Kindle Unlimited a donné une seconde chance aux sus-nommés de s’enfoncer dans leur posture passéiste – ça n’engage que moi*.
- Wizzgo a permis à la télé de garder son petit pré-carré en jetant les bases de la monétisation du replay.
- Airbnb a permis à la corporation hôtelière de montrer les crocs et a déjà fait plier quelques municipalités qui ont pris des dispositions dissuasives – et probablement abusives – contre Airbnb
- Mediapart a permis à l’Etat de démontrer sa mauvaise foi en refusant d’appliquer le taux de TVA réduit en prétextant que Médiapart était un service en ligne et pas un organe de presse (Sic! Rappelons que le service Minitel du Monde bénéficie, lui, du taux réduit depuis sa création il y a looooongtemps, bien avant Internet et Médiapart)
- Google News a permis – en Espagne – à la presse de mordre allegrement la main qui la nourrissait gratuitement.
J’en passe et des meilleurs. A titre personnel, tous ces exemples m’évoquent un moine copiste qui dirait à Gutenberg :
« Vas-y, batard, t’es en train de me niquer le business ! »
L’histoire, à mon avis, jugera comme elle a jugé Gutenberg.
Dans chacun de ces exemples, nous sommes dans une situation où :
- une profession réglementée est atteinte plus ou moins directement ( taxis, hôtels )
- des droits d’auteurs s’appliquent supposément ( presse, TV )
- un lobby a décidé de faire chier pour pouvoir continuer à faire comme on a toujours fait, y a pas de raison de changer, d’ailleurs on a toujours fait comme ça ( hôtel, presse, taxi, TV, éditeurs )
La question de l’intérêt pour agir, de l’opportunisme de ces actions, de technologies historiques face au principe de réalité n’a pas vraiment d’importance lorsque le puissant décide de casser les reins du pure player qui vient chasser sur ses terres.
Ainsi donc, pour en revenir à ma petite personne, je me prépare à l’éventualité d’un procès, attendu qu’avec le succès de #JSNEI viendra probablement quelque pisse-froid qui voudrait expliquer que je lui pique son fromage.
Je ne vois pas aujourd’hui qui, car les sociétés comme la FNAC ou Darty rechignent probablement à proposer un SAV sur la partie logicielle des produits qu’ils proposent. De même, il n’y a qu’à se souvenir du scandale des monétisations abusives des hotlines d’opérateurs télécom il y a quelques années pour comprendre le raisonnement qui était probablement le leur : « quitte à se faire chier à leur expliquer comment ça marche, autant les faire raquer un max en musique d’attente »
J’ai la sensation que je vais leur retirer une épine du pied, mais je me souviens trop du marronnier journalistique des buralistes en mode « vous savez, la vignette, nous on gagne rien dessus » remplacé l’année suivante par « vous savez, on a un sacré manque-à-gagner depuis la disparition de la vignette » pour ne pas le savoir. Un jour un connard viendra me faire un procès.
Epilogue à l’attention du connard en question : Vous noterez, cher connard qui lisez ces lignes, qu’elles ont été écrites début 2015. Elles peuvent difficilement être requalifiées en injures devant un Tribunal puisqu’à l’heure où je vous écris, je ne m’adresse à personne en particulier. Cela me permet de vous inviter à aller copieusement vous faire enculer sans que vous ne puissiez rien y faire, si ce n’est déplorer que ce billet finisse aussi vulgairement qu’il a commencé. Et toc.
* Je précise que je suis auteur d’un livre édité chez un « grand éditeur » (Eyrolles) et néanmoins disponible gratuitement sur Kindle Unlimited, ce que je trouve très bien. Je précise juste pour qu’on ne me dise pas « pour dire ça à propos des droits d’auteur, on voit bien que t’as pas écrit un bouquin »
One comment on “Les enculés d’en face”
Cher ami,
Bien que je partage nombre de tes avis pour le moins avisés (et ce n’est pas un pléonasme), je me permets toutefois une petite critique sur ton billet publié dans un style pour le moins vernaculaire, voire geekéen, pour m’autoriser un néologisme. Certes, il y aura toujours des pisse-vinaigres qui ne manqueront pas de se manifester, à l’instar des conducteurs de calèches qui ont crié au voleur de travail à l’avènement du métro. Certes. Toutefois, j’aime à défendre la veuve et l’orphelin, en l’occurrence l’artisan face à l’industriel méchant. Je trouve pour ma part qu’il est trop simple et pernicieux de proposer de nouveaux services en se foutant éperdument de savoir si l’on détruit de l’emploi, en refusant de payer l’impôt dans un pays où on fait un chiffre d’affaires colossal, quitte à contribuer à la destruction de son système social etc. Je suis contre le corporatisme, le protectionnisme idiot et la défense des pré-carrés. Mais il faut que les règles soient les mêmes pour tous et que personne, au nom du consumérisme, ne s’arroge le droit de couper la branche sur laquelle d’autres ont fait leur nid, surtout quand ces mêmes élagueurs ne respectent pas ces règles.
Rassure toi mon ami, je te classe dans la catégorie des artisans, de ceux qui détiennent un savoir-faire, un vrai, une valeur ajoutée qui peut et doit faire la nique à ceux qui, pour cause de position dominante, estiment qu’ils ont tous les droits, ou presque, c’est leur faille.
La qualité vaincra !